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Sud-ouest 14 Novembre 2005 |
Gens du voyage la CUB
manque d'aires
VILLENAVE D'ORNON. --
Le manque d'aires d'accueil entretient les tensions. Cependant, de plus en
plus de municipalités ont pris conscience du problème
: Hervé Mathurin |
A l'aire
des Deux-Esteys à Bègles, les gens du voyage ont pris racine |
« Le problème pour nous, gens
du voyage, c'est que quand on arrive dans une commune, on nous dit bon voyage.
» Hélène Beaupère, l'élégante directrice de l'Association des amis des
voyageurs de la Gironde, sise à Talence, cite volontiers ce trait d'un
humoriste. Quand les Manouches (l'ethnie la plus nombreuse des nomades dans le
département) stationnent avec leurs caravanes en un lieu qui ne leur est a
priori pas destiné, les difficultés de voisinage ont vite fait de surgir.
Longtemps, les collectivités locales ont cru pouvoir se contenter de la «
logique de la patate chaude » : une intervention des forces de l'ordre pour
refiler le mistigri aux voisins. Mais depuis la loi Besson de 2000, cosignée
par le préfet et le président du Conseil général le 22 mai 2003, un schéma
départemental oblige les communes de plus de 5 000 habitants (quarante-quatre
en Gironde) à prévoir une aire d'accueil pour ces nomades (entre 11 000 à
13 000 en Gironde).
Cercle vicieux. Certains
élus ont joué la montre. D'autres, surtout en zone urbaine, se sont trouvés
confrontés au manque de foncier disponible.
« C'est un cercle vicieux, dit
Marie-Bernadette Maire, élue à Pessac et présidente d'AGV 33, association
intercommunale d'élus soucieux d'améliorer la vie des gens du voyage. Les
communes qui n'agissent pas pour les accueillir contribuent à leur mal-être
et elles provoquent en retour une mauvaise ambiance. » Et, pour ne rien
arranger, ceux qui disposent d'une place en aire d'accueil ont tellement peur
de ne pas la retrouver au retour qu'ils s'y sédentarisent, ce qui prive les
autres d'un point de chute : « Les gens du voyage sont de moins en moins en
voyage et ont une appartenance de plus en plus une forte à un lieu »,
constate Christophe Rigaudie, travailleur social à Bègles.
La prochaine au Haillan. Les
municipalités avaient deux ans pour se mettre en conformité et bénéficier
ainsi de l'aide de l'Etat, qui prend en charge 70% du coût de l'aménagement
des aires d'accueil. Ce délai expirant au mois de mai dernier, les maires en
retard ne pouvaient plus disposer des subventions (15 245 euros par place de
caravane).
Le législateur a donc anticipé
et accordé un sursis de trois nouvelles années à partir du 13 août 2004,
date de la modification de la loi Besson, « dès lors que les communes auront
manifesté la volonté de faire », précise le secrétaire général de la préfecture
François Pény.
Alors, où en est-on ? « Le démarrage
a été lent, mais les choses sont en train d'évoluer et des dossiers sont déposés
», affirme François Pény. Sur les 1 170 places prévues au schéma départemental,
212 ont été obtenues, soit 18 % de l'objectif. Selon la préfecture, les
communes « à jour » sont Pessac-Mérignac depuis juillet 2002 (aire de la
Chaille), Bègles depuis avril 2003 (aire des Deux-Esteys), Saint-Médard-en-Jalles,
Saint-Loubès depuis mai 2003 et Libourne. Six autres emplacements (soit 180
places) sont « dans les tuyaux » pour 2006. La prochaine ouverture devrait
avoir lieu au Haillan au printemps. François Pény estime que 250 nouvelles
places s'ajouteront avant la fin du délai annoncé, soit 640 places en tout
et 55 % de l'objectif fixé par le schéma départemental.
Les retardataires auront alors du
souci à se faire, car, comme le dit Bruno Canovas, conseiller municipal
bordelais chargé de Bacalan, « le préfet sera en droit de refuser la force
publique aux communes qui seront hors-la-loi et qui voudront se débarrasser
des caravanes ». Et l'on reviendra au mistigri.