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Sud-ouest 22 Janvier 2003 |
Les
200 hectares inondables empoisonnent la Plantation
VILLENAVE-D'ORNON. --Selon
les écologistes, le domaine est urbanisé illégalement
La conquête de La Plantation |
L’histoire du domaine de la Plantation est celle de l’acquisition d’un dixième du territoire de la
commu ne de Villenave-d’Ornon par un jeune homme, Eric Bez, âgé à l’époque de 28 ans. Nous sommes en 1988. La commune est alors aux
mains d’un vieux briscard de la politique communautaire, Claude Barande. Eric Bez mène sa conquête en deux temps. Il achète quatre parcelles d’un total de 112 hectares auprès de propriétaires privés, et un terrain de 96 hectares à la commune de Villenave-d’Ornon, qui l’a pré cédemment acheté à la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB). L’acquisition en deux temps de ce terrain de 96 hectares sera contes té, mais un peu tard, par la Cham bre régionale des comptes: " La CUB s’est dessaisie d’un élément important de son patrimoine qui avait vocation à être aménagé dans un but d’intérêt général. En outre, la commune a directement contri bué au détournement de la voca tion initiale de ce terrain au profit d’une opération de promotion immobilière ", écrit la Chambre en 1993. A l’époque, l’entregent de la famille Bez est énorme. La CUB, qui a vendu ce terrain dans l’idée de l’aménagement d’un " terrain de sports à usage public ", ne s’offus quera jamais de voir Eric Bezy pro jeter un golf privé, une zone à vocation commerciale et un un ensemble d’habitations. Côté commune de Villenave-d’Ornon, le " cadeau " consenti à Eric Bez va bien au-delà. Non content de revendre ces 96 hectares au jeu ne promoteur à prix coûtant, soit 9 millions de francs, le maire Claude de Barande fait approuver en pri me par son conseil le déclassement de plusieurs hectares de terrains naturels en terrains à construire. " C’était un prix très sous-évalué, reconnaît le maire actuel, Michel Pujol. Aujourd’hui, le prix ZAC d’un hectare constructible et non équipé à Villenave est d’environ 1,7 million dé francs. |
Dominique de Laage
Les 200 hectares inondables empoisonnent la Plantation
Bordeaux
Pont
Francois mitterrand
Rives
d'arcins
GARE
d'hourcade
Parc
d'affaire plantation
LE GOLF
LE VILLAGE de la plantation
Vers le bourg de Villenave
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Le detail des plaintes |
L’association Aquitaine Alternatives a déposé
deux séries de plaintes pénales contre le domaine de la
Plantation.
La première salve remonte décembre 2001. L’autre, assortie d’une constitution de partie vile, est datée de septembre 2002. Les faits reprochés sont les suivants: 1. Assèchement d'une zone humide sans autorisation préfectorale au titre de l’article L 214-3 du Code de l’environnement; 2. création d’un terrain de golf sans autorisation au titre de l'article L 214-3 du Code de l'environnement 3. opération immobilière se poursuivant en dépit de la caducité de l'autorisation de lotir délivrée initialement le 8 septembre 1993; 4. projet immobilier mené par personne frappée d’interdiction.. Parallèlement, l’association conteste toute nouvelle demande de permis de construire dans l’enceinte du parc d’affaire
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Pas d'autorisation distincte. Eric
Bez récuse cette accusation. Et brandit les arrêtés préfectoraux de 1997 et
2001 portant sur « les aménagements de la plate-forme combiné de
Bordeaux-Hourcade ». Un ensemble rail-route situé tout à côté de la
Plantation, sur lequel est effectivement adossé tout l'édifice réglementaire
du domaine de la Plantation.
Car le fait est là. Les remblais
sur la base desquels le Méga CGR, Castorama, Décathlon, Kiabi, Boulanger, etc.
sont d'ores et déjà sortis de terre à Villenave-d'Ornon, dans la partie parc
d'affaires (1), ont été charriés au nom d'un autre arrêté préfectoral
portant effectivement sur Hourcade. Même hiatus pour le golf et le village de 5
000 âmes qu'Eric Bez s'apprête à concrétiser en zone inondable et auxquels
espèrent faire obstacle les écolos d'Aquitaine Alternatives.
Par quelle magie cette promotion
portant sur 200 hectares de zone humide n'a-t-elle pas fait l'objet d'un dossier
préfectoral distinct de celui d'Hourcade ? Cette question sans réponse demeure
posée au préfet. Une question qui urge. Les écolos reprochent en effet à la
Plantation d'assécher, au mépris du Code de l'environnement et de la loi sur
l'eau, une zone particulièrement sensible en termes d'intérêt écologique et
de prévention d'expansion des crues. Une zone qui aurait mérité, selon eux,
de figurer parmi les sites Natura 2000 (2).
Ironie de la situation, Eric Bez
oppose à cet argument écologiste le fait que son domaine a justement été
autorisé pour prévenir les risques d'inondations par débordement de la
Garonne, en tant que « solution compensatoire aux travaux de remblaiement d'Hourcade
».
« Cache-sexe juridique ». Le
plus fort, c'est que c'est vrai. L'autorisation préfectorale par laquelle la
Plantation existe via Hourcade est justifiée par la mise à disposition par
Eric Bez d'anciennes gravières et d'un terrain d'expansion en bordure de
Garonne, destinés à encaisser le choc des remblais d'Hourcade situés à
proximité.
Tout cela est-il régulier ? « J'ai
interrogé le préfet. Il n'y a aucun problème », affirme le maire de
Villenave, Michel Pujol. « En cas de débordement de la Garonne, c'est le golf
qui servirait de bassin d'expansion », précise Eric Bez.
Les écolos en haussent les épaules
: « Au moment où il convient plus que jamais de maîtriser l'urbanisme, la
Plantation, c'est le schéma inverse », tonne du côté d'Aquitaine
Alternatives Simon Charbonneau, professeur de droit communautaire de
l'environnement à Bordeaux. « En tant que tel, le dossier Plantation n'existe
pas légalement, continue-t-il. Il n'est jamais passé devant le Conseil d'hygiène
et de sécurité auquel je siège. Les équipements de la Plantation sont
principalement décrits dans une convention accompagnant l'arrêté préfectoral
d'Hourcade. Or, une convention n'est pas opposable à un règlement tiré du
Code de l'environnement, qui exige une instruction à part entière pour chaque
équipement. La convention d'Hourcade tient lieu dans cette affaire de
cache-sexe juridique. Un cache-sexe transparent. Ce dossier illustre combien, en
matière d'urbanisme, la politique du fait accomplie est toujours employée et
combien est défaillant le contrôle préfectoral. »
Le préfet, quant à lui, refuse de
parler pour le moment. Arguant que « la justice est saisie ».
(1) Sur les 63 hectares de son parc
d'affaires, Eric Bez en a revendu 25 à une société qui a été à l'origine
de l'installation des premières enseignes. (2) Les écologistes reprochent à
la préfecture de la Gironde de se hâter lentement dans l'établissement de la
liste de ces sites.